Les passagers en partance pour Rome sont priés de se présenter à la porte 52. Cette phrase accompagne souvent le début de l’aventure pour la personne qui s’apprête à partir explorer une nouvelle destination. Ses bagages ont été auparavant fouillés, enregistrés et placés dans un conteneur. Mais qu’en est-il des objets de musée qui voyagent? Comment sont traités ces passagers bien spéciaux?

Depuis l’ouverture du Musée de la civilisation, de grandes expositions internationales ont été présentées. Le MCQ emprunte plusieurs centaines d’objets par année pour ses expositions. Les déplacements de pièces, la plupart du temps fragiles et précieuses, exigent une grande planification et de multiples précautions. Selon les exigences des prêteurs mais aussi selon la complexité de l’intervention, il arrive souvent que des conservateurs accompagnent ces voyageurs bien particuliers. Loin du voyage touristique, ce genre de déplacement demande une préparation spéciale. Muni d’un ordre de mission provenant de la direction de son institution, le convoyeur ou courrier sera le gardien des objets tout au long du parcours.

Chargement de camion sur la Place Rouge à Moscou.

Chargement de camion sur la Place Rouge à Moscou.

 

 

Voici quelques cas vécus par les conservateurs du Musée de la civilisation. Pour l’exposition sur la Russie : Dieu, le Tsar et la Révolution, une conservatrice de notre institution a fait un curieux périple. Le transport des caisses ne pouvant se faire directement à partir de Moscou, le seul itinéraire possible était un déplacement en camion de Moscou à la frontière russe puis un voyage en traversier jusqu’en Finlande et, finalement, un nouveau déplacement en camion jusqu’à Helsinki. A partir de là, il fallait de nouveau prendre un traversier entre la Finlande et le nord l’Allemagne puis se balader en camion jusqu’à Francfort. La conservatrice devait alors assister à la palettisation des caisses avant le départ aérien vers Montréal et, de là, faire un nouveau périple en camion jusqu’à Québec. Toute cette opération a duré 5 jours! L’accompagnatrice a dû surveiller toutes les opérations de manipulation des caisses, donner ses directives pour les transports avec les chariots élévateurs, surveiller les conditions climatiques des camions et présenter les documents douaniers. La conservatrice, aidée par une transitaire engagé par le musée est la gardienne des objets jusque dans les moindres détails. Si un douanier décide de faire ouvrir une caisse, elle sera là pour superviser toute intervention directe avec les pièces et s’assurer de la sécurité à toutes les étapes.

Traversier en Mer Baltique.

Traversier en Mer Baltique.

Un autre exemple particulier est le retour des objets millénaires de la Syrie qui en plus de venir à Québec, ont été présentés à Edmonton en Alberta et à Bales en Suisse. Un conservateur de notre institution a accompagné le transport routier de Québec à Edmonton. Puis, pour la présentation suivante, après avoir suivi le transport aérien jusqu’en Suisse, il fallait planifier le retour en Syrie par avion cargo. Lorsque de tels trésors nationaux voyagent, il arrive souvent que les déplacements se font en deux convois séparés. Ainsi, après un transport terrestre de Bales jusqu’au Luxembourg, deux chargements distincts ont été acheminés vers Damas. Le voyage a été assez unique car le convoyeur était le seul passager d’un avion cargo.

 

 

Musée National d'Aleppo en Syrie.

Musée National d'Aleppo en Syrie.

À partir de la capitale syrienne il fallait ensuite, par transport terrestre, aller reporter et installer les objets empruntés dans neuf villes différentes. L’opération a duré 10 jours d’accompagnement de caisses dans des conditions extrêmes : traversée du désert à deux reprises en plein mois de juillet, déplacements risqués à la frontière de l’lraq en guerre, journées débutant à 3 heures du matin et se terminant tard le soir. Les missions de ce genre ne sont vraiment pas des vacances.

 

 

Nous avons vécu différentes aventures selon les pays. Travailler à l’international exige une grande capacité d’adaptation. Les conservateurs du Musée de la civilisation ont dans leurs bagages de bonnes anecdotes concernant les péripéties de transport d’objets de musée. Rappelons seulement le conservateur qui apprend à son arrivée que les caisses n’ont pas suivies, le pilote devant réduire le poids des marchandises à la dernière minute. Ajoutons, le conservateur qui traverse les États-Unis en camion et qui se fait griffer tout au long du parcours par le chat du propriétaire. On peut aussi relater la nuit sur le tarmac d’un aéroport à essayer de dormir à côté des caisses dans la remorque d’un camion en attendant que les entrepôts acceptent la marchandise.

 

 

Nous sommes à préparer le déplacement des objets empruntés en Italie pour notre exposition sur Rome. Avant ces transports, il nous faut engager une compagnie italienne spécialisée qui fera la mise en caisse des pièces, planifiera les itinéraires de déplacement, obtiendra tous les documents nécessaires à la sortie des caisses d’Italie et assura la sécurité tout au long du parcours. Des conservateurs italiens accompagneront les objets et assisteront à l’installation des pièces dans l’exposition. Dans ce cas, notre écueil se situe au niveau de l’itinéraire des déplacements. Il n’y a pas de vols cargo au départ de Rome capables d’accueillir les dimensions de nos caisses. Notre transitaire explore les différentes avenues de déplacement en minimisant les transbordements mais déjà nous savons que nous aurons d’importants transports routiers vers de grands aéroports où le fret aérien transige plus aisément; nous prévoyons un déplacement routier de 10 heures en Italie et de 12 heures sur notre territoire sans compter le vol aérien. Au total ce sera sans doute l’équivalent de 30 à 35 heures en déplacement pour les convoyeurs. Accompagner des passagers aussi particuliers que des objets de musée représente tout du défi!

 

Katherine Tremblay, conservatrice