Waban-Aki (Abénaquis), Anishinabeg (Algonquins), Atikamekw, Eeyou (Cris), Wendat (Hurons Wendat), Innus, Inuit, Wolastoqiyik (Malécite), Mi`gmaq, Kanien Keha;ka (Mohawks), Naskapis…

Que de noms inconnus pour un petit Breton.

Ce sont les onze nations autochtones du Québec, qui feront  l’objet de la nouvelle exposition de synthèse et de référence portant sur les Premières Nations et les Inuit du Québec et dont l’ouverture est prévue pour novembre prochain. Ils sont écrits en langues autochtones car le Musée privilégie l’usage des noms que les membres des Premières Nations utilisent pour parler d’eux-mêmes.

Depuis mon arrivée, il y a un mois, j’ai commencé à mieux les connaitre grâce à différentes lectures, à comprendre leurs origines, leurs mode de vie et leurs évolutions.

Ce n’est pas tous les jours très simple de bien comprendre toute la complexité de leurs histoires et de leurs cultures, mais c’est très enrichissant.

Pour le renouvellement de l’exposition actuelle le Musée a voulu une approche permettant d’engager une collaboration durable avec les Premières Nations et les Inuits. Ces derniers participent à part entière aux débats de société actuels. Ils sont des acteurs incontournables dans les projets qui les concernent.

Le propos, comme le traitement, de l’ancienne exposition inaugurée en 1998 méritait d’être actualisé. Treize ans plus tard,  le paysage culturel, social, économique et politique des Premiers Nations s’est transformé.  A l’heure actuelle, ces peuples autochtones demeurent encore méconnus; nous peinons à les distinguer et à appréhender leurs revendications. Mais comment permettre aux Premières Nations de s’exprimer dans cette exposition ? Quel moyen utiliser pour faire entendre leurs voix ? Comment donner à voir, à sentir, et à comprendre la diversité culturelle, sociale, historique et identitaire de onze groupes autochtones dans une seule salle d’exposition ? Voilà l’enjeu de cette réflexion qui a commencé à mûrir au Musée en 2008.

Plusieurs objectifs ont été identifiés par le Musée  afin d’orienter la mise en marche de cette réalisation :

– Faire ressortir la diversité et l’unité des Premières Nations et des Inuit du Québec au 21e siècle ;

– Faire comprendre les processus d’affirmations identitaires autochtones au niveau local, national et international ;

– Mettre en relief les échanges entre les Premières Nations, les Inuit et les populations non autochtones ;

– Déconstruire les préjugés qui stigmatisent les hommes et les femmes autochtones ;

– Mettre en valeur les collections nationales tout en favorisant la création artistique autochtone contemporaine ;

– Développer une méthodologie participative et collaborative de réalisation.

 

Démarche collaborative

Démarche collaborative

Le Musée souhaitait que la nouvelle exposition devienne le reflet des préoccupations actuelles des Premières Nations et des Inuit. Et c’est pour cela que l’accent a été mis sur une approche collaborative. Mais qu’est-ce donc que cela ? En quoi cela consiste-t-il ? Quel est ce terme «collaboratif » ?

L’objectif de cette exposition est de mettre en valeur la culture autochtone actuelle et traditionnelle et ce, par la voix de ses porteurs actuels. Cette orientation exigeait d’engager les populations autochtones dans la définition de ce qui est important pour eux dans leur culture, ainsi que du message qu’ils voulaient transmettre. C’est-à-dire que les nations ont été consultées, une collaboration a été effectuée. Tout un travail de rencontre auprès des différentes nations a été mis en place. Ce travail s’est mené en collaboration avec La Boite Rouge vif, un organisme autochtone à but non lucratif qui a travaillé avec les peuples autochtones du Québec et du Brésil. A également été mis en place un comité culturel, appelé « mamo » (ensemble en atikamekw), formé de représentants des onze nations et d’associations autochtones. Ce comité s’est exprimé sur les grands enjeux de l’exposition et sur les principales étapes de réalisation. Des équipes du Musée et de La Boite Rouge vif sont parties à la rencontre des Autochtones du Québec dans différentes communautés. Lors de ces rencontres avec les nations, des groupes de discussion ont été créés afin d’identifier les futurs thèmes de l’exposition.

Identifier des thèmes

Identifier des thèmes

Un inventaire participatif a également été réalisé par le biais de différentes activités. Il s’agissait de rencontres de groupes cibles composés d’individus de différents profils (âges, sexes),  afin qu’ils évoquent ce qui est important pour eux de transmettre dans l’exposition à propos de leur culture. Des rencontres plus spécifiques avec des jeunes et des aînés ont été effectuées, qui ont permis à ces derniers de s’exprimer. Les jeunes sont très présents dans les communautés : 50% des Autochtones ont moins de 25 ans.

Lors de ces séjours des photographies ont aussi été prises, des heures de vidéo ont été tournées. Au bout du compte ce sont des milliers de pages de documentation sur lesquelles l’équipe de l’exposition a pu se pencher. De plus, des créateurs autochtones se sont réunis afin de réfléchir à l’atmosphère qu’ils souhaiteraient créer dans l’exposition. La vision des Autochtones sera ainsi véritablement à la base de cette exposition.

Un exemple ? Lors de ces rencontres, l’équipe de l’exposition a demandé à chacune des onze nations quel serait un des faits historiques importants pour leur nation et pour lequel ils aimeraient que l’on donne leur vision et interprétation. Ce fut par exemple pour les Cris la convention de la Baie James ou pour les Mi`gmaq la bataille de Restigouche ou encore pour certains Innus le déménagement forcé d’une communauté. Les participants ont également pu transmettre aux concepteurs de l’exposition des valeurs qu’ils voulaient y voir transparaitre ; humour, rassemblements, guérison, espoir, solidarité…

Participer à ce genre d’exposition est très enrichissant. C’est la première fois que j’assiste à ce mode de conception d’exposition, que je trouve novateur : c’est une
découverte. Cette démarche collaborative a permis aux nations autochtones du Québec d’être partie prenante de cette future exposition, d’en être des acteurs. L’exposition
se construit à partir de la base et permettra au visiteur d’être au centre d’une expérience unique.

J’ai hâte de voir l’exposition mise en place mais pour cela il faudra attendre novembre, et il y a encore beaucoup de travail à faire. Pour l’instant l’équipe peaufine le scénario, cherche les meilleurs moyens de transmettre les messages, sélectionne les artéfacts les plus pertinents, les mises en scène qui traduiront au mieux la volonté de communiquer des Autochtones.

À bientôt

Thibault Moreau