Joseph Rouleau a chanté sur la scène de l’Agora du Vieux Port de Québec au mois d’août 2010 dans le cadre du Festival international d’été de Québec en compagnie de ses invités. Le temps était bien maussade ce soir là. Les spectateurs qui ont supporté les 20 minutes de pluie en attendant son arrivée n’ont certainement pas regretté d’être restés. Selon la critique parue le lendemain dans le journal Joseph Rouleau, « en compagnie de la soprano Chantal Dionne, du violoniste Benjamin Beillman et de Louise Andrée Baril au piano, leur avait réservé un programme léger et chaleureux propre à faire oublier bien des intempéries ». Si vous ne connaissez pas Joseph Rouleau vous ne voyez probablement pas en quoi cette performance mérite d’être soulignée. Si on ajoute qu’il a fêté ses 80 ans en 2009 sa seule présence sur scène vaut la peine d’être mentionnée!
Étant donné qu’il se produit de moins en moins sur scène Joseph Rouleau a décidé, en 2006, de nous offrir des costumes de spectacle dont un ensemble exceptionnel pour sa qualité et sa rareté.

Pourpoint (vue de dos) en satin de soie marine garni d’appliqués de velours et de lamé et décoré de paillettes, perles artificielles et perles de métal. Opéra Boris Godounov, Acte I. Don de Joseph Rouleau, O.C., G.O.Q. DHC, Musée de la civilisation, 2006-480-1

Bottes de cuir confectionnées sur mesure, ornées d’appliqués de cuir, de cordons crochetés ainsi que de paillettes et de pierres artificielles. Opéra Boris Godounov, Acte I. Don de Joseph Rouleau, O.C., G.O.Q. DHC, Musée de la civilisation, 2006-480-5
Avant de vous raconter l’histoire des ces costumes, l’homme vaut la peine de vous être présenté brièvement :
Basse de réputation internationale, Joseph Rouleau, a été nommé Officier de l’Ordre du Canada en 1977, Grand Officier de l’Ordre national du Québec en 1999 et Compagnon de l’Ordre du Canada en novembre 2010. Il a reçu une trentaine d’autres prix et honneurs tels que le prix Calixa-Lavallée de la Société Saint-Jean-Baptiste en 1967, la médaille d’argent du Royal Opera House de Covent Garden ( Londres) en 1977, le Félix pour le meilleur artiste de l’année (ADISQ) en 1982, etc.
Figure très importante de l’art lyrique au Québec, il a chanté sur les plus grandes scènes du monde et dans les grands festivals. Pendant près de trente ans il a eu des contrats au prestigieux Royal Opera House de Covent Garden à Londres (plus de 40 productions sur place et en tournée). Il a aussi fait au cours de sa carrière des tournées en Australie, Amérique du Sud, Afrique du Sud, Israël, et en Union Soviétique, des représentations à l’opéra de Paris, au Théâtre des Champs-Élysées, au New York City Opera, au Metropolitan Opera, etc. Il a à son répertoire une centaine d’opéras. Malgré sa carrière internationale il est aussi demeuré profondément enraciné au Canada et fut, entre autres, le fondateur de l’art lyrique du Québec qui donna naissance à l’Opéra de Montréal. Il est encore aujourd’hui président des Jeunesses musicales du Canada et ce depuis deux décennies.
Parmi tous les opéras le rôle de Boris dans Boris Godounov fut le grand rôle de sa carrière. « À mon avis, Boris, c’est le plus grand rôle lyrique jamais écrit…Quand j’ai abordé ce rôle, j’ai beaucoup lu sur l’histoire de Russie. Je voulais comprendre la réalité profonde de ce pays…. Ce rôle m’a apporté les plus grands compliments. Plus que tous les autres que j’ai joués». (Boucher, Jacques et Thibault, Odile. À tour de rôles, Joseph Rouleau, basse, Itinéraire artistique, Fondation jeunesses musicales du Canada, Montréal, 2004, 437 pages, pp124-125)
Il l’a chanté, entre autres, sur les scènes suivantes: dès la 2e année de son association avec le Covent Garden en 1958, en tournée en Roumanie en mars 1968 et avec le Scottish Opera en mai et juin de la même année, et en tournée en URSS en octobre 1966 ( rôle chanté alors en russe!). Ce rôle l’amena aussi à la salle Wilfrid Pelletier dans le cadre de l’exposition universelle de 1967, le spectacle fut diffusé à la télévision de Radio-Canada en 1967, et plusieurs années plus tard, en 1988, il fut présenté à l’église Saint-Jean Baptiste de Montréal.
Dépenser son cachet de tournée en échange de costumes
Une anecdote très particulière est associée aux costumes de l’opéra Boris Godounov. Lors de son premier voyage en URSS la moitié de son cachet pour toute la tournée était payée en dollars américains et l’autre moitié en roubles (RUR) qu’il n’avait pas le droit de sortir de l’Union soviétique. Il décida donc de les dépenser sur place en les utilisant totalement pour se faire fabriquer ses propres costumes de Boris par les ateliers du Bolchoï. Il rêvait depuis longtemps de posséder ses propres costumes de Boris.

Manteau et col en brocart lamé et peint avec appliqués de différents brocarts de soie et de lamé. Toute la surface est parsemée de paillettes, pierres et perles artificielles. Opéra Boris Godounov, Acte II. Don de Joseph Rouleau, O.C., G.O.Q. DHC, Musée de la civilisation, 2006-481-1
Ces costumes qui ont maintenant plus de cinquante ans sont extrêmement rares en Amérique sinon absolument uniques. Aucun autre ensemble de costumes conçus et confectionnés aux ateliers du Bolchoï n’a été répertorié au Canada. Les brodeurs et costumiers du Théâtre Bolchoï fondé en 1776 étaient encore nombreux à l’époque de la réalisation de ces costumes dans les années 1960. Ces costumes témoignent d’une longue tradition et d’un savoir faire typiquement russe propre aux ateliers renommés du Bolchoï. Les broderies et décorations de pierres et paillettes ont toutes été faites ou cousues à la main et représentent pour tous les costumes des centaines sinon des milliers d’heures de travail au total. Ils ont la particularité d’être richement brodés et décorés sur toutes les facettes du vêtement ce qui ajoute à leur qualité. On remarque aussi un type de broderie utilisé en Russie faisant appel à l’utilisation du rembourrage et de matelassé pour donner du relief à l’ouvrage.

Manteau en brocart lamé et peint avec appliqués de velours et de soie dont certains sont montés sur une forme de carton donnant du relief et de la rigidité. Surface parsemée de paillettes et de perles artificielles. Opéra Boris Godounov, Acte III. Don de Joseph Rouleau, O.C., G.O.Q. DHC, Musée de la civilisation, 2006-482-1
Toutes ces caractéristiques, auxquelles s’ajoute l’intérêt des motifs ornementaux reproduisant ceux des costumes originaux portés par Vladimir 1er au 16e siècle, en font une collection de costumes irremplaçables. En tout cet ensemble de trois costumes (actes I, II et III) comprend un total de 12 éléments.
Merci à Joseph Rouleau de nous avoir offert ses costumes et en particulier cet ensemble provenant des célèbres ateliers du Bolchoï!
Si vous entendez parler d’un prochain concert auquel participera Joseph Rouleau, allez le voir et surtout l’entendre. Et vous pourrez l’imaginez chanter en russe son rôle favori dans ces costumes somptueux qui, d’après ce qu’il nous a dit, n’étaient pas de tout repos à porter puisqu’ils sont très lourds.
Nicole Grenier
Conservatrice
Collection de costumes et accessoires
Pour en savoir un peu plus sur Joseph Rouleau, vous pouvez consulter les sites suivants :
Archives de Radio-Canada : Joseph Rouleau, chanteau d’opéra (1966)
Une entrevue au magazine ResMusica
Des extraits d’opéras sur YouTube (recherche avec les mots clés Joseph Rouleau )
[…] Des costumes rares […]
…….Mercredi prochain la salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts lOrchestre symphonique de Montral dans sa srie Les grands Qubcois rendra hommage notre basse nationale Joseph Rouleau et aux Jeunesses musicales du Canada JMC qui ftent leurs 60 ans dexistence………..Le concert-hommage Joseph Rouleau soulignant les 60 ans des JMC sera dirig par Jean-Philippe Tremblay et permettra dentendre en premire partie des oeuvres concertantes joues par Andrew Wan Alexandre Da Costa et Serhiy Salov puis en seconde des airs dopra qui ont marqu la carrire de la basse qubcoise…..Figure majeure de la scne lyrique qubcoise Joseph Rouleau est prsident des JMC depuis 1989 et cofondateur avec Andr Bourbeau du Concours musical international de Montral. Il est arriv dans un contexte de difficult et a apport une crdibilit artistique par sa nature sa carrire son exprience et ses contacts. Il gagnait je crois 50 par concert et amassait ainsi ses sous pour aller tudier en Italie rappelle Jacques Marquis…..On comprend donc que la force de conviction de Joseph Rouleau est ancre dans des racines profondes.
……….A 80 ans et alors quil se prepare a jouer le Roi dEgypte dans Aida Joseph Rouleau conserve le magnetisme qui lui a valu detre remarque par les directeurs des plus grandes compagnies dopera………..Le Soleil Jean-Marie Villeneuve…………………………………………………….. Le Soleil…………………………………… Quebec On aura beau comme Joseph Rouleau avoir foule les planches toute sa vie trouver lenergie la force de concentration et le pouvoir de convaincre est un defi quun artiste doit savoir relever chaque fois quil monte sur scene.A 80 ans et alors quil se prepare a reprendre du service dans Aida le chanteur originaire de Matane conserve le magnetisme qui lui a valu detre remarque tres tot en carriere par les directeurs des plus grandes compagnies dopera. Assez curieusement le role avec lequel Joseph Rouleau est le plus familier dans Aida nest pas celui du Roi dEgypte mais celui de Ramfis le grand pretre.