Depuis que des gouvernements existent, il y a des gens qui les contestent et souhaitent améliorer le sort du peuple.  Que ce soit des manifestants contre une action militaire, un groupe qui réclame plus de droits ou  des gens qui ont des revendications économiques, le citoyen a toujours cherché de se faire entendre auprès des instances politiques.  Certains choisissent des actions, tandis que d’autres utilisent le pouvoir des mots.  En 1834, un document était le catalyseur d’un mouvement populaire qui visait à changer le système politique au Québec, appelé alors le Bas-Canada.

 

Louis-Joseph Papineau (1786-1871), sans date, PH1988-1760, A. Boisseau, photographe. Musée de la civilisation, fonds d’archives du Séminaire de Québec.

Le texte des 92 résolutions, rédigé par Augustin-Norbert Morin, trouve son origine et son inspiration chez Louis-Joseph Papineau, chef du Parti patriote.  Le document, qualifié de « révolution dans toute la force du terme » par la Gazette de Québec, dénonce le système de gouvernement en place dans la colonie et présente des revendications pour un gouvernement élu, responsable et représentatif.

Les 92 résolutions revendiquent plus de reconnaissance des droits de la population d’origine française du Bas-Canada.  Elles demandent des institutions politiques qui représentent mieux l’état social des Canadiens français, notamment en accordant le droit d’élire les membres du Conseil législatif et une meilleure représentation de la population francophone majoritaire dans la fonction publique.

Le document était adopté par la Chambre d’assemblée du Parlement du Bas-Canada le 22 février 1834 et introduit en débat dans la Chambre des Communes britannique le 15 avril de la même année.  Au Québec, le résultat politique ne tardait pas à se manifester.  Le Parti patriote remporte 78 des 84 sièges dans la Chambre d’assemblée aux élections de novembre 1834.

Vous pouvez voir une copie des 92 résolutions au Musée de la civilisation dans l’exposition permanente Le Temps des Québécois. Cette copie, imprimée en anglais, est unique, vu qu’elle porte des corrections manuscrites de la part de Louis-Joseph Papineau lui-même.

 

 

 

92 Résolutions, 15 janvier 1834, P29/244, p. 16. Photo par l’auteur. Musée de la civilisation, collection du Séminaire de Québec, fonds Georges-Barthélemi Faribault.

Sur plusieurs pages, Papineau a biffé des mots dans le texte et a ajouté des corrections dans la marge. Souvent, il révise son choix de vocabulaire en faveur d’un mot plus fort ou plus visuel.  Papineau change ainsi « the Legislative Council has deprived the people of all the hope… » pour « the Legislative Council has destroyed amongst the people all hope… ».  Il voulait que ses mots aient le plus d’impact auprès des autorités britanniques.

 

 

 

92 Résolutions, 15 janvier 1834, P29/244, p. 3 (détail). Photo par l’auteur. Musée de la civilisation, collection du Séminaire de Québec, fonds Georges-Barthélemi Faribault.

Toutefois, les résultats tardaient de l’autre côté de l’Atlantique.  Le rappel du gouverneur Aylmer, réclamé dans les 92 résolutions, ne se fait qu’au mois d’août 1835.  Le rapport final d’une Commission royale d’enquête n’est déposé à la Chambre des communes que le 2 mars 1836 et la réponse définitive du cabinet britannique, dix résolutions connues sous le nom de Résolutions Russel, est présentée à la Chambre des Communes un an plus tard, le 6 mars 1837.

 

Non seulement les Résolutions Russel rejetaient les 92 résolutions, mais elles permettaient même au Conseil législatif du Bas-Canada et au gouverneur de l’Amérique du Nord britannique de prendre l’argent de la Chambre d’assemblée sans aucun contrôle.  Ce refus des 92 résolutions a provoqué la tenue d’assemblées publiques des chefs du Parti patriote, qui ont mené à la Rébellion des Patriotes de 1837-38.

 

 

Edmond-Jospeh Massicotte, « Et ses bras s'élevèrent vers le ciel ... sa main tremblante bénit les Patriotes », gravure, Le Monde illustré, vol. 14 no 714. p. 580 (8 janvier 1898).