À l’occasion du symposium «Prévenir le tsunami numérique: un défi pour l’emploi dans la Capitale-Nationale», j’ai fait part des moyens que le Musée met en oeuvre quotidiennement pour relever les défis que posent le numérique, mais aussi pour soutenir la communauté au travers des importantes transformations qu’il engendre. Voici une version remaniée de mes propos.

– Stéphan La Roche, DG

Tsunami? Quelques nuances

Un tsunami est une vague qui a pour origine un mouvement tectonique subit, provoquant le déplacement et les ravages d’un grand volume d’eau.

Rappelons-nous cependant que l’avènement massif du numérique que nous observons aujourd’hui se distingue du tsunami en ce qu’il est anticipé de longue date : on a observé l’informatique prendre de plus en plus d’espace depuis maintenant 40 ans, que ce soit pour nous simplifier la vie, nous la faire voir différemment ou, reconnaissons-le, parfois pour nous la compliquer.

Le numérique se distingue aussi du tsunami en ce qu’il n’est pas nécessairement ravageur. En revanche, là où la comparaison tient la route c’est qu’il faut s’y être préparé et qu’il change certains paysages.

Pour le Musée de la civilisation, le numérique permet de poursuivre, renouveler et élargir notre mandat de diffusion de notre culture et des cultures du Monde via le Web et les médias sociaux. Il permet également la création d’expériences uniques, audacieuses et engageantes, comme la réalité virtuelle, les applications mobiles ou la participation citoyenne en salle ou en ligne.

Notre engagement dans le numérique s’intéresse également aux compétences du personnel et à l’adoption de manières de penser et d’agir, propres à la culture numérique.

Capture d'écran

Le site Internet du Musée en 1998.

Et cet engagement n’est pas récent. Notre premier site Web a vu le jour en 1996. Vous voyez ici la version de 1998 que l’on retrouve dans Internet Archives. Déjà il y a vingt ans, on parlait de contenus en ligne, de Musée à l’école et de boutique virtuelle.

Le Musée s’est toujours intéressé à ce qui alimente les sociétés. Les technologies et l’informatique ont donc rapidement trouvé leur place dans nos activités éducatives et dans nos expositions, ainsi que dans nos communications et la diffusion de notre patrimoine. En plus de nos techniciens, de nos spécialistes du web et des médias sociaux, ainsi que de nos chargés de projet, nous avons une solide équipe TI. Et ceci est plutôt rare dans les musées.

Pour nous, la vague numérique est donc un prolongement de nos activités. Cette nouvelle vague est, il faut en convenir, plus importante et nous l’avons vue venir. Dès 2009, nous avons démarré une petite équipe qui préparerait notre avenir numérique.

Ces transformations sont bien évidemment techniques, mais elles entrainent également des changements d’attitudes et l’évolution de compétences. Nous avons eu à accueillir plus d’ouverture, de transparence et de liberté. À faire preuve d’une plus grande souplesse lorsque les rôles des uns et des autres se modifient.

Notre engagement numérique

Alors, quel est-il, cet engagement? Il vise à la fois le public qui vient au Musée ou nous côtoie en ligne, ainsi que nos employés. Notre engagement est que la personne se sente plus en capacité de comprendre et d’agir de manière numérique.

L'engagement du Musée

L’engagement concerne aussi bien les citoyens que les employés, et vise à les outiller de plusieurs manières.

Évidemment, tous les projets du Musée ne sont pas et ne seront pas numériques, mais nos équipes doivent dorénavant évaluer le potentiel numérique pour chaque projet.

Notre vision de l’engagement numérique vise l’atteinte de sept orientations.

  • Augmenter la diffusion de contenus québécois en ligne.
  • Favoriser la participation citoyenne, afin de susciter et soutenir la création et l’innovation et ainsi contribuer à la démocratisation de la culture.
  • Développer une véritable relation avec les visiteurs du Musée et en ligne, dans le but d’accroître la fidélisation.
  • Développer le sentiment de compétence et les habiletés numériques, et ce, je le rappelle, tant pour le public que pour les équipes du Musée.
  • Lorsque c’est possible et permis par la Loi, promouvoir la diffusion selon des licences et formats ouverts, libres et lisibles par des machines, afin d’accroître les communs du Québec. Utiliser autant que possible des logiciels libres.
  • Implanter et maximiser les choix technologiques et numériques en assurant l’interopérabilité des infrastructures et leur réutilisation dans plusieurs contextes, notamment au sein du milieu muséal et culturel.
  • Et le petit dernier, mais non le moindre : augmenter les revenus.

Ces sept orientations nous mènent à réaliser plusieurs projets, dont voici quelques uns.

Collections en ligne

Au plan des infrastructures, nous avons entrepris il y a quelques années un immense chantier qui a impliqué des employés de tous les secteurs : l’implantation d’un CRM. Notre CRM gère les contacts, les espaces, les horaires de certains employés et l’ensemble des opérations de manutention et de travaux techniques. L’étape suivante sera l’implantation d’un nouveau système de vente à l’accueil au Musée et en ligne.

Ces projets, tout comme les collections en ligne, ont été développés presqu’exclusivement à l’interne et nous ont poussés à revoir de nombreux processus de travail. Nous avons accompagné nos employés à chacun de ces changements et les avons formés à leur utilisation.

Je vous invite d’ailleurs à consulter nos collections, que nous avons mises en ligne en juin dernier sous une licence d’utilisation creative commons. Ce sont plus de 225 000 objets. Lorsqu’on ajoute les documents d’archives, les livres, ainsi que les cartes et plans, nous atteignons presque les 600 000 entrées. Notre vision pour cette diffusion est que l’ensemble des Québécois puissent connaître notre patrimoine et imagine de nouvelles manières de l’intégrer dans leurs réalisations.

Expositions

Si nous poursuivons avec notre engagement de participation citoyenne numérique, trois expositions de la prochaine année vous permettront de vivre des expériences uniques.

À la fin février, nous inaugurerons l’exposition interactive Sortir de sa réserve. 400 objets d’émotion qui raconte comment s’est constituée la collection du Musée. Elle vous invitera également à vous poser des questions sur les émotions que suscitent ces objets et à l’avenir de notre collectionnement.

Au mois de mai, nous lancerons une nouvelle application mobile, notre onzième, avec l’exposition Ici, Londres. Elle vous permettra de vivre une expérience de réalité augmentée avec des objets majeurs du Londres créatif. Cette application nous outillera également pour mieux connaître nos visiteurs, puisqu’une stratégie de cueillette de données y est associée.

Et au mois d’octobre, l’ouverture de Mon sosie a 2000 ans nous permettra de dévoiler la vingtaine de sosies qui sont le résultat d’un vaste appel à sosies international. Plus de 100 000 personnes de partout dans le monde ont tenté de jumeler leur visage aux statues de l’antiquité qui seront présentées dans l’exposition.

Tous ces projets sont le fruit de la créativité, de l’expertise et de l’audace de nos équipes internes, appuyées des gens du milieu.

Fika numérique

Cette créativité, expertise et audace s’inscrivent dans une perspective de développement de compétences. Au Musée de la civilisation, le numérique n’est pas le fait d’une ou deux personnes. Tous les employés sont invités à développer leur intérêt, leur compréhension et leurs habiletés numériques.

affiche d'un FIKA

Le Fika est une pause-café, qui prend au Musée une tournure numérique

Depuis un an, nous tenons des Fika numériques. Fika est un terme suédois évoquant une pause café décontractée. Chez nous, c’est plutôt l’occasion d’échanger sur un aspect du numérique. Les médias sociaux, les outils collaboratifs, les résultats de nos projets numériques ou des technologies de pointe comme la réalité virtuelle et augmentée. Libres et décontractées, ces rencontres sont ouvertes à tous les employés et visent à nourrir leur littératie numérique.

Même la stratégie socionumérique de marketing de contenu, qui prévoit la ligne éditoriale et les objectifs de notre organisation dans les médias sociaux, commence par, et s’appuie sur, la contribution de l’ensemble de nos employés.

MLab

Et pour terminer ce tour d’horizon de notre engagement numérique, c’est un grand plaisir pour moi de vous parler de notre futur laboratoire numérique. En avril prochain à l’occasion des célébrations du 30e anniversaire du Musée et de la Semaine numérique de Québec, nous inaugurerons le Mlab.

Ce laboratoire s’ouvre à la création et à l’expérimentation du public, des employés du Musée et des acteurs du milieu entrepreneurial, académique, artistique et éducatif.

Notre Mlab vise à :

  • Accentuer le dialogue et la collaboration avec les communautés.
  • Stimuler l’innovation muséale sous toutes ses formes : sociale, numérique, éducative, communicationnelle, etc.
  • Permettre la découverte et l’apprentissage d’outils numériques, afin de se familiariser avec les cultures numériques.

Qu’est-ce qu’on y fera?

Le Musée proposera une série d’activités permettant de découvrir la numérisation et l’impression 3D, la programmation, la robotique, le traitement d’image et vidéo, ainsi que l’électronique et d’autres technologies de pointe.

Nous inviterons également les entreprises et organismes de la région à offrir des activités, à présenter des prototypes ou à réaliser des projets.

Nous avons déjà des collaborations avec l’Université Laval, avec des incubateurs d’entreprises à Québec (Le Camp), à Montréal (le MT lab) et à Shawinigan (le Digihub). Nous inscrivons également le Mlab dans le réseau des musées du Québec en souhaitant des échanges et du partage.

Ce laboratoire nous permettra d’imaginer de nouvelles manières de vivre le Musée, en complémentarité avec ce que nous réalisons déjà et que nous poursuivrons.

Un défi d’adaptation

Comme vous pouvez le constater, nous vivons pleinement notre engagement numérique. Il s’inscrit dans un renouvellement naturel de l’équipe, puisque nous aurons 30 ans en octobre prochain, soit la durée approximative d’une carrière.

Nous adaptons notre organisation du travail aux réalités et besoins d’aujourd’hui. Nous tentons d’implanter une meilleure qualité de milieu de travail et d’accompagner nos employés dans la compréhension et l’utilisation du numérique, dans une perspective d’empowerment. Nous adaptons notre ton et notre voix : l’usage du tutoiement dans les collections en ligne, que vous avez peut-être remarqué un peu plus tôt, en est un exemple bien visible.

Il ne s’agit pas pour le Musée de la civilisation de nous contenter d’être qu’un employeur adapté à cette réalité évolutive, nous visons l’intégration des cultures numériques dans toutes nos pratiques.

Peter Simons lors d’une récente entrevue accordée à l’équipe de notre magnifique exposition De trappeurs à entrepreneurs. 4 siècles de commerce à Québec disait, en évoquant le numérique que : « personne ne voit vraiment [la finalité] de cette évolution-là ». Il disait aussi que le développement et le respect d’une communauté tissée serrée sont notre rempart contre les risques que cela représente.

C’est ce que nous faisons aujourd’hui, et c’est l’engagement qu’a pris le Musée de la civilisation.