Nous sommes vers 1850-1860 à Québec. Donald McNeil, né vers 1825 à l’Île-du–Prince-Édouard, achète chez un horloger-bijoutier de la Côte de la Montagne, une montre de poche haut de gamme à double boîtier en argent. Dans sa famille on raconte qu’il est venu à Québec au début de la vingtaine pour travailler dans le port de Québec sur les bateaux et aussi comme pilote.

Pourquoi achète-t-il une montre de cette qualité ce jour-là? Veut-il la porter lors d’une occasion spéciale? En rêvait-il depuis longtemps? Nul ne le sait.

Le 9 novembre 1852 il épouse Jane Preston à la basilique Notre-Dame de Québec. Avec elle il s’établit à Lévis. Ses enfants, nés de 1853 jusqu’au milieu des années 1860 sont baptisés à l’église Notre-Dame de Lévis. Sur le certificat de baptême d’une de ses filles, le 8 février 1857, il est inscrit que Donald McNeil est « chauffeur » ce qui confirmerait qu’il travaille à ce moment-là pour une compagnie de chemin de fer.

À cette époque Lévis était le terminus du chemin de fer Québec-Richmond qui avait été complété en 1854. Un an avant, en 1853, la Grand Trunk Railway avait acquis la Quebec Richmond Company ainsi que quatre autres compagnies afin de réaliser le projet d’un chemin de fer s’étendant sur toute la longueur de la Province du Canada de Montréal à Toronto et à l’est jusqu’à Halifax (il faut se souvenir qu’avant la Confédération, l’Ontario et le Québec constituent la Province du Canada alors que le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse sont des colonies britanniques séparées). Ce projet ambitieux durera plusieurs années et fournira de l’emploi à des milliers de personnes. Comme la compagnie offre du travail à l’année, contrairement aux bateaux qui cessent de circuler en hiver, elle est intéressante pour Donald McNeil qui doit faire vivre sa famille. Est-ce pour que les trains qu’il conduit soient toujours à l’heure que Donald McNeil a acheté sa belle montre? C’est bien possible.

La montre et son boîtier. Le boîtier est en argent et le cadran en émail sur cuivre avec des aiguilles en acier bleui. C’est une « Montre de poche Oignon » appellation qui lui vient de sa forme.  Photo : Isa Mailloux

La montre et son boîtier. Le boîtier est en argent et le cadran en émail sur cuivre avec des aiguilles en acier bleui. C’est une « Montre de poche Oignon » appellation qui lui vient de sa forme. Photo : Isa Mailloux

L’intérieur de la montre. On peut voir que le mouvement est d’origine anglaise. Son fabricant : Roberts, London Photo : Isa Mailloux

L’intérieur de la montre. On peut voir que le mouvement est d’origine anglaise. Son fabricant : Roberts, London Photo : Isa Mailloux

En 1860, la portion de chemin de fer de Lévis à Rivière-du-Loup se construit. Les actes de naissance conservés dans la famille suggèrent que Donald McNeil aurait déménagé à Rivière-du-Loup avec toute sa famille entre 1864 et 1866. Et sa précieuse montre a suivi dans ses bagages. Il termine sa vie à Rivière-du-Loup jusqu’à son décès en 1893. Il y est inhumé au cimetière de la paroisse Saint-Patrice.

On présume que Donald McNeil était très minutieux puisqu’il avait conservé pendant tout ce temps l’étiquette de l’horloger de la Rue de la Montagne ainsi que la boîte de la montre, gardant ainsi la trace et la preuve de sa provenance.

Le papier conservé à l’intérieur de la boîte et qui porte l’inscription: “N.Turcot, Watch & Clock Maker, Jeweller & C, 14 Mountain St. Quebec”. D’après les livres de références sur les horlogers au Canada du 18e au 20e siècle Narcisse Turcot est inscrit comme fabricant d’horloges et de montres dans la ville de Québec de 1844 à 1885.  Photo : Isa Mailloux

Le papier conservé à l’intérieur de la boîte et qui porte l’inscription: “N.Turcot, Watch & Clock Maker, Jeweller & C, 14 Mountain St. Quebec”. D’après les livres de références sur les horlogers au Canada du 18e au 20e siècle Narcisse Turcot est inscrit comme fabricant d’horloges et de montres dans la ville de Québec de 1844 à 1885. Photo : Isa Mailloux

Plus tard, la famille a déménagé à Winnipeg et la montre, passée d’une génération à l’autre, a fait le voyage. On sait peu de choses sur ce qui lui est arrivé pendant toutes ces années si ce n’est qu’en 2008, 150 ans plus tard et à près de 2000 kilomètres de Québec, c’est son arrière petit-fils Edward G. Mann qui en est propriétaire. Il l’a, lui aussi, gardée précieusement avec sa boîte, son étiquette et ses deux clés; et il tient beaucoup à ce qu’elle revienne dans sa ville d’origine, là ou son arrière-grand-père l’avait achetée.

La montre, sa boîte, son étiquette et ses deux clés. Photo : Isa Mailloux

La montre, sa boîte, son étiquette et ses deux clés. Photo : Isa Mailloux

De passage à Québec à l’été 2008, il contacte donc le Musée de la civilisation et nous fait part de son souhait de la léguer à la collection nationale. Nous acceptons sans hésitation, bien sûr, de la faire entrer dans les collections.

Fascinant tout le chemin parcouru par cette montre au cours des années! Encore plus incroyable qu’après tout ce temps, grâce à la volonté d’Edward G. Mann, elle revienne à Québec! Un long voyage dans l’espace et le temps pour se retrouver à son point de départ.

Et nous la conserverons à notre tour pour les générations futures. Pour le moment elle est entreposée à la réserve du musée et en ressortira un jour pour être présentée dans une exposition ici ou dans une autre institution. En attendant nous profitons de ce blogue pour vous la montrer et partager dès maintenant avec vous son histoire bien spéciale.

Nicole Grenier

Conservatrice

Collection de costumes et accessoires